jeudi 10 mai 2007

sujet taboue ... le tasfih.



Sujet taboue… ?? pas du tout !!


Le tasfih : croyance ou vérité ?


On la supposait complètement révolue depuis des années, mais la pratique a
toujours cours actuellement dans notre pays, et pas seulement dans le monde
rural. Le Tasfih des filles pour les rendre ‘‘inviolables’’, est-ce une vérité indiscutable
ou une simple croyance dénuée de sens ? Voici la réponse de deux docteurs qui,
elle, ne souffre plus aucune discussion.
“Je ne saurais vous parler de la séance initiale, j’étais une gamine, je ne me souviens plus de rien, sauf que j’en garde une petite cicatrice. En revanche, je me souviens de la seconde que j’ai dû subir juste une semaine avant mon mariage pour enfin me délier….
Zeineb, comme probablement des centaines, voire des milliers de femmes, ne peut évidemment se souvenir de l’opération, qui
nécessite deux phases dont on pourrait appeler la première le blocus, c’est-à-dire le Tasfih proprement dit. Il s’agit pour la famille
qui a ainsi décidé du sort de sa fille d’inviter celle-ci à se laisser faire. Une vieille dame, généralement habilitée à le faire, vient opérer
avec une lame une scarification sur le genou gauche de la fillette (qui n’a pas encore eu ses premières menstruations), lui fait prendre,
l’un après l’autre, sept raisins secs enduits du sang de son genou, et lui fait prononcer, après avoir avalé chaque fruit, la formule
magique : “ Moi, mur ; le fils de la femme, fil ” (les mots, en arabe, riment : ana, hyt ; oueld lemra, khyt). Il y a en réalité une autre formule, mais trop vulgaire pour être rapportée ici. En tout cas, c’est la formule la plus répandue. Seule la procédure change. Une ouvrière marocaine travaillant dans une entreprise à Tunis précise que ce rite, au Maroc, nécessite que la fille soit assise sur des ustensiles de couscous (maqfoul et keskès). Allez savoir pourquoi. Mais de toute manière, même en Tunisie, l’usage de certains instruments n’en est pas moins étrange. Dans
son ouvrage intitulé “ çabra hachma ”, la psychologue Lilia Laâbidi rapporte : “ Il m’a été possible de repérer plusieurs types de pratique : le Tasfih au métier à tisser, à l’épée, à la serrure, au pilon, au rasoir, à la rose de sable…(…)… Dans le cas du Tasfih au métier à tisser,
la petite fille doit enjamber celui-ci, toujours avec le pied gauche en avant…(…) Puis, avec un fil, l’assistante mesurera la taille de la fille, et ce fil sera précieusement conservé par la mère pour pratiquer l’opération inverse la veille du mariage. Dans le cas où l’instrument est une épée, l’opératrice place la fille devant elle, et lui donne un coup léger sur la hanche gauche puis place l’épée par terre et invite la fille à l’enjamber, de la gauche vers la droite, en lui tendant chaque fois un raisin et en lui faisant répéter la formule. (…) Mais si le Tasfih est pratiqué avec une rose de sable comme à Tozeur et à Nafta, il l’est au pilon à Tunis, à Kallaât Landloss, à Téboursouk et à Testour… ”.
On l’aura compris, après ce cérémonial, le Tasfih est consommé. En termes clairs, la fille devient impénétrable quoi que fasse l’homme, si jamais un homme se hasarde à la toucher plus tard. Au Maroc, paraît-il, n’importe qui peut jouer le rôle de l’opératrice, même sa mère. Mais en Tunisie, les choses sont autrement sérieuses, à en croire beaucoup de gens. Car, d’abord, n’est pas opératrice qui veut, seules les femmes âgées et bien habilitées le peuvent. Ensuite, pour peu que cette opératrice décède, et c’est la perte de la fille qui ne pourra plus être déliée plus tard. Selon d’autres, n’importe quelle opératrice pourra délier la fille, pourvu que l’instrument (pilon ou autre) soit encore là et que la femme libératrice soit au courant jusque des détails de la première opération. Par conséquent, délier veut dire reprendre le même cérémonial mais en
inversant, dans la bouche de la fille – devenue jeune fille nubile –, la formule : “ Moi, khyt ; oueld lemra, hyt ”.
Poser tout de suite la question de savoir si ce rite est vérifiable ou une histoire à dormir debout, serait trop vite aller en besogne. Il faudrait rappeler d’abord certains autres rites tout à fait similaires. Au Moyen âge, on parlait de la “ceinture de chasteté” que les hommes, devant
effectuer de longs périples, donc craignant que leurs femmes se laissent aller à quelques incartades, leur appliquent au bas ventre pour en être tranquilles. En fait, et à propos de cadenas, il importe de faire remarquer que le mot en arabe – Tasfih – n’est pas choisi au hasard. La s’fiha, ce fer qu’on dispose sur le sabot du cheval et autres équidés, est une protection pour la patte ou le sabot de l’animal.
Dans le même esprit, le Tasfih des filles est censé être une protection pour elles, pour leur inviolabilité. Si, comme le dit le Dr. Khouloud Ben Mohamed (psychologue clinicienne et assistante à la faculté), le cérémonial du Tasfih est un événement qui ressemble beaucoup à celui de la circoncision du garçon, les deux pratiques ne se ressemblent guère puisqu’on n’ampute rien du tout à la fille. Donc, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens qui trouvent que le Tasfih est l’équivalent de l’excision, il n’y a aucune comparaison. On va exagérer en comparant, plutôt, la circoncision à l’excision, puisque dans les deux cas il y a une amputation quelconque. Sauf, évidemment, que la circoncision est un bienfait (certains bébés malades, en Europe, sont soumis à la circoncision), alors que l’excision est un demi-crime odieux. Mais pour le Dr. Khouloud, le Tasfih c’est aussi une violation du corps de la fille. Pour s’expliquer, elle dresse un parallèle inverse mais très subtil. Elle raconte l’histoire malheureuse d’un Tunisien qui n’a pas été… circoncis ! Ses parents voulaient le circoncire après l’acquisition d’une nouvelle maison, mais la maison a pris du temps avant d’être acquise, leur enfant a dû être oublié ; puis on voulait le circoncire en même temps que son frère cadet ; mais le jour J, le fils junior était très malade, on a rejeté sa circoncision à plus tard,… à plus tard,…à plus tard, … jusqu’à ce qu’on finisse par l’oublier,…jusqu’à ce que l’enfant, devenu un homme, ait découvert son infériorité par rapport aux hommes et se soit vu rejeté par les
femmes ; il a fini dans un asile psychiatrique !… Pour le Dr. Khouloud, cette omission est une violation du corps de l’homme, tout comme le Tasfih que, très jeune, la fille n’a ni accepté ni voulu…
Soit, La fille n’a ni voulu ni accepté d’être m’saff’ha. Mais voilà où commence son drame. Avec ses premières règles, la maman, généralement elle, lui explique que quelque temps auparavant, elle avait été soumise à l’opération du Tasfih, ce qui veut dire qu’elle était entrée dans le monde des femmes, tout comme son frère entré dans le monde des hommes le jour de sa circoncision. On lui explique en termes très clairs que non seulement la religion musulmane interdit tout contact sexuel en dehors du mariage, mais que, de toute façon, elle n’y peut rien
puisqu’elle est devenue pratiquement impossible à être pénétrée par un homme. Convaincue de son nouvel état, la fille en arrive à bloquer quiconque (l’homme, bien sûr) cherche à tenter d’avoir quelque rapport avec elle.
Mais qu’est-ce qui prouve que jamais homme n’a réussi à avoir un rapport sexuel complet avec une jeune fille m’saff’ha ? « C’est là le hic, répond le Dr. Khouloud. La psychologie de l’homme arabe est faite d’un narcissisme ethnocentrique, c’est-à-dire que jamais homme n’ose déclarer son impuissance avec une fille “cadenassée”. De sorte que l’on ne sait pas trop. Or, ce sont les jeunes filles, dites cadenassées, qui soutiennent que jamais homme n’a pu accomplir l’acte convenablement».
A ce stade de l’enquête, il importe de mentionner, pour les balayer tout de suite, ces racontars malveillants de certaines mauvaises langues et selon lesquels la fille qui se sait m’saff’ha va pouvoir s’adonner à tous les flirts du monde puisqu’elle ne court pas le risque d’être déflorée. C’est d’autant plus stupide que les familles qui soumettent leur progéniture au Tasfih sont, comme l’a constaté le Dr. Khouloud, ou par trop conservatrices ou issues du milieu rural et donc, dans les deux cas, inquiètes pour l’honneur de leur fille. Juste une parenthèse à fermer ici.
Mais maintenant, on va, face au Tasfih, entendre deux discours qui, sans être divergents sur quelques points, n’arrivent pas forcément au bon résultat au niveau de la fille ainsi m’saff’ha. Ce sont les discours psychologiques et gynécologiques. D’après le Dr. Khouloud (psy, rappelons-le), la fille se sent diminuée et est gravement atteinte dans sa personnalité, surtout si elle apprend que son opératrice d’origine est décédée, emportant avec elle le secret de l’opération. Que faire ? “ Notre bienveillante neutralité lors de nos entretiens en profondeur avec les patientes doivent nous permettre de déchiffrer les symboles et les symptômes qui peuvent aider à la construction de leur personnalité ”.
En termes plus clairs, le psy ne doit en aucun cas blesser sa patiente en lui riant au nez et en cherchant à la persuader que son histoire de Tasfih est une fabulation créée de toutes pièces par les traditions et les coutumes, et que, finalement, elle n’est ni ligotée ni n’a besoin d’être déliée ; cela risque de choquer outre mesure la patiente venue avec la conviction qu’elle est m’saff’ha, sans parler de la perte de confiance entre la patiente et son psy.
Et de toute façon, précise notre docteur, cela ne fait que compliquer les choses. Et alors ? “ Et alors il s’agit d’écouter la patiente, de pénétrer dans son monde socio-culturel, de la comprendre, de paraître entièrement de son côté, et de lui faire comprendre progressivement, graduellement, petit à petit et sans la brusquer qu’elle n’est peut-être pas m’saff’ha et qu’elle gagne à essayer au lieu de s’enliser toute sa vie dans cette conviction ”.
Ah !, donc le Tasfih est un mensonge sur toute la ligne ? “ Je n’ai pas le droit de dire si c’est un mensonge ou une vérité ; je dis : c’est une pratique qui existe bel et bien et qu’elle devient une vérité dès lors que la fille dite m’saff’ha y croit dur comme fer ”. D’accord. Mais si au bout d’une semaine la jeune fille revient pour dire que, malgré tant de tentatives, son partenaire n’a rien pu faire et qu’elle est donc irrémédiablement m’saff’ha ?
“ Que voulez-vous ? Qu’on reconnaisse l’échec de la psychologie ?… Il faudrait tout simplement admettre que le poids des traditions et des croyances est plus important que la science parfois… ”.
Mais là où la psychologie risque, parfois, de s’avouer impuissante face à certains cas, la gynécologie s’avère très à l’aise…
Dans son explication du phénomène, le Dr. Aref Driss, spécialiste en gynécologie, appelle le Tasfih une forme, comme tant d’autres, de vaginisme qui est une contraction des muscles au moment de l’acte et qui empêche le partenaire de faire quoi que ce soit, donc de le bloquer lui-même. “ Ce vaginisme lié au Tasfih est dû à l’effet de la suggestion : convaincre la fille qu’elle est m’saff’ha, lui rappeler que l’acte sexuel est h’ram en dehors du mariage, et la présence éternelle de la scarification sur son genou gauche, le tout fait qu’elle joue elle-même le rôle de blocus. Elle a raison, le Dr. Khouloud, de parler de violation du corps de la fille, car le premier effet du Tasfih c’est l’état de frigidité qu’on crée chez elle. Il y a deux composantes dans le vaginisme : la psychologique (on endoctrine la fille à l’idée d’être hermétiquement fermée) et la disposition de la fille qui se croit ainsi fermée, et, la peur aidant, se contracte d’elle-même ”. Oui, mais il se trouve que les filles ayant perdu leur opératrice d’origine ont souvent recours au gynécologue. Que fait-il au juste ? “ Comme l’a dit le Dr. Khouloud, il n’est pas question d’en rire ou de lui briser une croyance bien ancrée dans son esprit ; il s’agit de la rassurer à l’idée qu’elle va bel et bien être déliée et qu’on va ôter officiellement son Tasfih au moyen du spéculum (NDLR : un instrument médical de forme oblongue). Mais généralement, si la fille n’arrive pas à se départir de sa peur, on l’anesthésie, ce qui la rassure encore davantage. Quand elle revient à elle, on lui dit : ça y est, tu n’es plus m’saff’ha, du coup elle se décontracte d’elle-même ”. Mais pourquoi se jouer de l’esprit de la fille en amont et en aval ?
Pourquoi faire perdurer cette pratique magico-religieuse ? “ Ah non, détrompez-vous ! En amont, ce n’est pas un jeu : les gens qui pratiquent le Tasfih y croient dur comme fer ! Quant à nous, que voulez-vous ? Qu’on casse une croyance aussi séculaire que le Tasfih ? … Ditesvous
bien ceci : le Tasfih est très efficace : il crée la frigidité et le vaginisme. Et puis, certains rites sont à ce point extraordinaires que tenter de persuader du contraire est vain ”.
Or, le Dr. Driss raconte, dans ce sens, la plus belle histoire qu’on n’ait jamais entendue à ce jour. Une fois, il a reçu, pour examen, une patiente accompagnée de sa mère. Celle-çi déclare que sa fille souffre de complications au ventre qu’un généraliste n’a pas su déceler.
Notre gynécologue examine le ventre de la fille et balance le résultat tel quel : la fille est enceinte de trois mois. Tout simplement. Eh bien, ce n’est pas aussi simple que ça aux yeux de ses visiteuses qui pouffent de rire : la fille est m’saff’ha, elle ne peut, par conséquent, en aucun cas, être enceinte. Face au verdict de l’échographie, la fille et la mère sont devant le fait accompli. Il va s’avérer que la fille, certes m’saff’ha, a eu une relation amoureuse avec son ami auquel elle n’a pas pu résister. M’saff’ha ou pas, son ami l’a pénétrée plus d’une fois, d’où le
résultat.


Ce qui paraît à présent aisé de déduire, c’est que la pratique du Tasfih existe bel et bien et encore de nos jours ; que son effet supposé (l’inviolabilité, ou l’impossible pénétration) est une blague ; mais que ce qui donne tout son sens au Tasfih c’est, comme le disent nos deux
interlocuteurs, l’effet de la suggestion.


Et alors ?… Croyance ou vérité ?… Nos lecteurs ont certainement une réponse…


Mohamed Bouamoud
Extrait de Réalité/mai 2003

2 commentaires:

Anonyme a dit…

je voulé savoir si la fille msafha qui est tombée en ceinte a pardue sa verginité ou elle est en ceinte et en meme temps vierge ??????!!!!!!!
parce que msafha si j'ai bien compris veux dire que la fille ne peux pas perdre sa verginité alors comment elle est tombée en ceinte ?????!!!!!!

Anonyme a dit…

Mon dieu...
L'article en entier parle du fait que tasfih n'est pas efficace scientifiquement parlant. RIEN ne peut empecher de perdre sa virginite. Le seul cas où tasfih est efficace c'est psychologiquement, quand la fille est CONVAINCUE que ca marche et qu'au moment de passer a l'acte tout ce contracte ce qui rend la penetration impossible.
Donc non, la fille n'est pas vierge, puisque elle est enceinte, ce qui prouve que tadfih c'est bidon. Simple question de logique...